Douleurs chroniques et troubles somatiques inexpliqués
Dans le décours ou à la suite d’un psychotraumatisme, faut-il s’étonner, lorsque nous n’avons pas la faculté d’exprimer une souffrance émotionnelle profonde, que celle-ci s’auto-exprimera bien volontiers par le vécu des symptômes de stress traumatique ou post-traumatique, ainsi que par le biais du langage corporel ? Illustrons ce phénomène avec une métaphore : lorsqu’une décharge d’eau est obstruée, l’eau s’infiltre partout en amont là où elle le peut.
Plusieurs facteurs peuvent contribuer à l’apparition de ces troubles somatoformes qui intriguent parce qu’ils ne s’expliquent pas toujours par une maladie ou une lésion visible :
Le stress et les émotions : le corps et l’esprit sont étroitement liés. Un stress prolongé, un traumatisme émotionnel ou une anxiété non gérée peuvent se manifester physiquement, provoquant des douleurs ou des sensations inconfortables.
La mémoire du corps : parfois, même après la guérison d’une blessure, le système nerveux peut « se souvenir » de la douleur et continuer à l’envoyer comme un signal d’alerte, même sans danger réel.
Des mécanismes complexes du cerveau : les douleurs chroniques et les troubles somatoformes impliquent souvent une hypersensibilité des réseaux cérébraux qui gèrent la douleur et les sensations corporelles.
Les expériences de vie : les personnes ayant vécu des événements difficiles ou traumatiques peuvent développer une attention accrue à leurs sensations corporelles, ce qui amplifie les symptômes.
S’ensuivent ainsi différentes formes d’affections somatiques ou de douleurs chroniques dont l’étiologie n’est, de prime abord, pas évidente : par exemple, la fibromyalgie, la polyenthésopathie ou encore, le syndrome douloureux régional complexe qui intéressent autant les rhumatologues, neurologues, anesthésistes que les psychiatres. Nous évoquons ici une douleur nociplastique réellement perçue provenant d’une altération de la nociception sans évidence de lésion tissulaire ou de pathologie neurologique.
Il y a aussi les maladies qui connaissent des fluctuations selon l’état de stress, comme par exemple, l’eczéma, l’ulcère d’estomac et les colopathies fonctionnelles, sans perdre de vue que le stress peut aussi altérer l’état d’immunité et favoriser l’apparition de maladies auto-immunes1.
Et enfin, il y a regrettablement des hommes et des femmes qui portent atteinte à l’intégrité de leur propre corps, de manière compulsive ou impulsive, dans le but d’échapper à leur détresse émotionnelle en se concentrant sur la douleur physique qu’ils s’infligent. Parfois, ces automutilations se déroulent en cachette et s’effectuent sur les parties du corps dissimulées par les vêtements.
Il convient toutefois de formuler deux remarques importantes, et il incombera au médecin de faire la part des choses :
- Premièrement, ce n’est pas parce que l’origine d’une affection est difficile à expliquer qu’il s’agira nécessairement d’une maladie ayant pour origine un psychotraumatisme.
- Deuxièmement, ce n’est pas parce qu’une maladie est qualifiée de psychosomatique que les personnes qui la présentent ne souffrent pas réellement dans leur corps.
Nous pouvons constater qu’un grand nombre de symptomatologies et de maladies sont plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes. Par exemple, la fibromyalgie ou la polyenthésopathie, cette maladie invisible, mais invalidante, toucherait jusqu’à 9 femmes pour 1 homme2; l’automutilation s’observe jusqu’à 7 femmes pour 3 hommes3.
Même si les causes d’un grand nombre de ces maladies sont mal connues, hypothétiques ou multifactorielles (facteur génétique, hormonal, environnemental, …), il n’en demeure pas moins qu’il est tentant de vouloir établir un facteur d’aggravation voire une relation de cause à effet entre ces formes de violences et l’état de santé des victimes, féminines pour la majorité, qui ne relient pas toujours d’elles-mêmes leurs symptômes aux agressions dont elles furent la proie.
Pour en savoir davantage, vous pouvez cliquer sur les liens suivants :
(1) Stress, immunité et physiologie du système nerveux Med Sci (Paris)
(2) Le syndrome fibromyalgique de l’adulte Rapport d’orientation de la Haute Autorité de Santé
(3) Automutilation : ressentir la douleur physique pour échapper à la détresse émotionnelle Étude de l’Université Rutgers (New Jersey) Clinical Psychological Science